[Libre] Just open your eyes...

[Heure du RP: 15h10]

Un jour comme les autres, un temps gris, le soir assombrissant doucement le ciel d'automne. La rentrée avait commencée il y a un bout de temps déjà, les élèves sortaient tout juste de leurs cours, envahissant lentement les couloirs et les salles, les chambres et le parc, libérés enfin pour prendre un bon bol d'air après avoir été enfermés assez longtemps dans ces salles ou l'odeur des humains s'accumulait, endormant les sens de cette jeunesse pleine de vie qui ne demande qu'à se dépenser pleinement, chacun à sa façon, de rire et de pleurer, souvent peu concernés par l'avenir brillant qui s'offrait à eux.
Et c'est dans cette ambiance, ce tumulte de la libération qu'il arriva, traînant du bout du bras un sac dont la lanière était défaite, râpé déjà pour avoir été torturé sur toute la route. Il avait marché, partant de la ville pour suivre cette route qui, lui avait on dit, menait ou il voulait aller. Non pas qu'il soit particulièrement intéressé, mais n'ayant rien de mieux à faire et pas l'envie de chercher à faire la moindre escapade, il avait tiré ce pauvre sac, prévu pour être porté à l'épaule, toute la route, malmenant son fond pourtant résistant, changeant régulièrement de main, de ces mains au longs doits fins qu'on voyait à peine sous les manches démesurées de ce qu'il portait, un pull qui était certes prévu pour son âge, 17 ans, mais assurément pas pour sa taille et sa carrure. Iku avait l'air un peu perdu, bien que la scène lui était visiblement familière, sa tête levée vers le haut de l'arche de la porte d'entrée permettant d'entrevoir ses deux yeux noirs sous lesquels des cernes de la même couleur charbon s'étiraient, témoignant de sa fatigue habituelle. Il traîna encore le pauvre sac en bandoulière jusqu'à l'intérieur, frappé par la vague de chaleur qui le fit frissonner un instant, contrastant tellement avec le courant d'air frisquet de l'hiver arrivant, et lâcha enfin sa seule victime, de tissu rapiécé, qui s'affaissa sans bruit à côté de lui. Ensuite, de sa main gauche, il tira de sa poche une lettre d'admission qu'il connaissait par cœur sans l'avoir jamais lue, pour avoir eu entre les mains toute ses jumelles. Seul les noms et le lieu changeait, le nom des salles aussi, mais rien d'autre. Sans se presser, il chercha les informations qui lui étaient nécessaires sans se préoccuper du grand hall d'entrée qui se remplissait peu à peu, des gens circulant de ci de là, déjà habitués au rythme scolaire d'un pensionnat, adaptés à la vie tranquille de travail et de grande famille que ce genre d'endroit offrait habituellement.
Iku était arrivé en cours d'année, comme ça lui arrivait trop régulièrement, entre deux activités, dans ce nouvel univers qu'il connaissait déjà trop bien sans pour autant pouvoir s'y retrouver, las, pas pressé de trouver sa chambre et ses camarades qui ne seront de toute façon qu'un autre fragment de temps, apparition rapide dans sa vie avant qu'il ne se déplace à nouveau. Il n'en avait plus pour longtemps à se balader d'un coin à l'autre, sans grande vie sociale, coupé des autres par ses disparitions et apparitions trop rapides et sa présence secondaire, l'ombre qu'on oublie. Sa tête se tournait d'un côté puis de l'autre, cherchant quelque chose qui pourrait lui indiquer la suite, fouillant la salle de ces yeux redevenus invisibles sous la cascade de cheveux qui les couvrait toujours, mèches rebelles et désobéissantes qui ne voulaient en aucun cas quitter son visage. Il voyait parfaitement ce qu'il faisait mais entre les cheveux jais, ses yeux charbon n'étaient que partiellement visibles, jusqu'à ce qu'il se donne le mal de repousser les mèches pour laisser apparaître ses iris noires et les cernes qui les ornaient.
Il se baissa ensuite, son haut glissant légèrement le long de l'épaule pour couvrir complètement les doigts qui enserrèrent la lanière du sac qu'il ne voulait soulever et tira encore sur quelques mètres jusqu'au panneau d'affichage, bien caché par une foule d'élèves qui récupéraient les dernières informations importantes, absences de profs, events peut-être, countdown jusqu'au prochaines vacances qui n'étaient d'ailleurs pas dans si longtemps. Heureusement pour lui, une sorte de plan, plus un répertoire des salles, se trouvait là aussi, probablement un résidu de la rentrée vu son état plus mauvais que le reste, un peu corné, déchiré et gris, certains chiffres ornés d'une empreinte digitale grisée qui aurait fait le bonheur de la police si elle avait eu la moindre importance. Il savait maintenant qu'il devait traîner ce pauvre sac jusqu'à l'étage second, ou, d'après la jolie feuille qu'il avait reçue, quelqu'un lui indiquerait son dortoir. En principe, parce que là, il arrivait quelque part au début d'année, à la fin des cours.
En conséquent, il jugea plus sage d'aller manifester sa présence auprès du directeur, ou même d'un professeur, avant de faire quoi que ce soit d'autre.
Donc, au premier étage d'une certaine tour. Soulagement pour le sac, qui ne souffrirait pas des escaliers tout de suite, mais pour lui, ça compliquait l'affaire. Il y avait une tour ici?

Iku s'était retourné rapidement, le contact soudain d'une main sur son épaule étant assez inattendu. Pourtant, il n'exprimait aucune surprise, comme préparé à un malheur certain qu'il attendit quelques secondes, inflexible, avant de comprendre qu'on cherchait, peut-être, à l'aider. Il eut un rapide mouvement de la tête, marque de respect qui s'était imprégnée dans tout son être, un reflex humain, avant de se retourner vers le plan que la jeune fille lui indiquait d'un doigt le plan qu'il avait décrypté quelques instants auparavant. Un court laps de temps passa encore, il attendait qu'elle lui dise quelque chose, en vain. Le voilà ennuyé, lui qui ne commençait jamais les conversations. Mais il avait tout de même besoin d'arriver quelque part, dans ce cas, d'aller faire connaître sa présence à la direction. Sa première idée avait été de se rendre chez le directeur, mais peut-être se surestimait il un peu. Il avait l'habitude d'être redirigé sans un mot par quelqu'un, arrivant d'habitude dans des pensionnats de plus petite taille, moins peuplés et donc plus familiaux, enfin, pour les autres. Parce que lui, niveau intégration, il avait encore du progrès à faire. Quoi qu'il en soit, il devait bien aller quelque part maintenant, histoire de se trouver une chambre et de s'inscrire comme "présent" sur les listes.

-Je cherche une tour... Enfin, l'Administration, ça.

Et il indiqua un lieu sur la feuille cornée sans la toucher, pointant sur la ligne avec deux doigts dépassant à peine d'une longue manche, la main planquée sous le tissu. Son regard était toujours encore fixé dans les yeux émeraude et brillants de la jeune fille. Un peu tristes aussi, mais il ne chercha pas à creuser son caractère plus que nécessaire, s'interdisant de fouiner dans les affaires des autres, qui ne le concernaient pas de toute façon. Penchant vaguement la tête dans une question muette, allait il se faire aider ou non, ses cheveux glissant pour découvrir ses yeux las et morts. Il avait toute la patience du monde, n'ayant pas de raison de se dépêcher.
Changeant de pied, il se balança un instant pour retrouver son équilibre presque immédiatement. Le mouvement fit glisser son haut qu'il remonta le long de l'épaule de sa main, ou plutôt manche gauche, avant de se pencher pour reprendre le sac qu'il avait lâché dans le mouvement. Il se redressa ensuite, prêt à suivre sagement la demoiselle, dans l'espoir qu'elle était bien venue là pour l'aider, on ne sait jamais, surtout qu'elle n'avait pas encore prononcé un mot. Au pire, il se démerderait tout seul, comme d'habitude, mais on pouvait toujours essayer, non?

Quand la demoiselle lui fit signe de la suivre, il obéit sagement, tirant toujours paresseusement son sac derrière lui, comme il l'avait toujours fait, sans se soucier du léger bruit que produisait le glissement de ce dernier sur le sol, ni du fait que, peut-être, il était en train de malmener le fond du sac qui pourrait éventuellement finir par casser, laissant ses quelques affaires parsemer tranquillement le pensionnat. Mais l'objet resta sage, ne cassa pas, se contentant de se laisser tirer sans se plaindre. D'ailleurs, à l'approche des escaliers, le jeune homme le ramassa et le passa sur son épaule gauche, tenant fermement la lanière cassée qui, peut-être pour se venger, lui sciait l'épaule. Pourtant, il ne transportait pas grand chose avec lui, le strict minimum, n'ayant de toute façon pas d'illusion. Il ne resterait pas longtemps ici, comme d'habitude, se ferait envoyer ailleurs dans les quelques mois suivants. Il avait l'habitude à force, tellement que ça ne le dérangeait plus, qu'il prenait son sort comme un du, parce que de toute façon, son futur n'était pas très noble non plus, loin de là.
Ils arrivèrent en haut de l'escalier, ou il recommença à traîner son sac, continuant pourtant à serpenter entre les murs de couloirs plus ou moins étroits. C'était... inhabituel, lui qui se trouvait toujours dans des bâtiments minuscules, de se promener dans ce qui aurait pu, à ses yeux, être un véritable château, des plafonds hauts, des longs couloirs, une décoration sobre mais chaleureuse... Il n'avait simplement pas l'habitude, et ne pouvait pas s'empêcher d'admirer du coin de l'œil les lieux. Enfin admirer... Son regard se promenait d'un coin à l'autre, neutre, engloutissant tout les détails sans que la surprise ne se peigne sur son visage pour autant, l'air toujours aussi vide, avec sa tête de chien battu, galeux, de bâtard.
Les deux personnes arrivèrent enfin devant un autre escalier, qui devait être l'entrée de la tour. S'il avait bien compris, il devait se rendre au premier, s'y faire connaître, et puis... et puis il verrait bien, après tout, il n'était pas pressé de voir les choses arriver, elle arriveraient sur lui un jour ou l'autre et il se fera du souci à ce moment là, s'il s'en faisait. Sur ce, il changea une dernière fois son sac de main, le tenant toujours par sa lanière cassée, mais dans la main droite pour soulager un peu l'autre, se retourna vers l'inconnue qui lui avait montré le chemin, se pencha légèrement en avant en murmurant quelque chose qui ressemblait à un merci avant de se retourner vers les longs couloirs, sans se presser, tranquille, décidé enfin de se rendre chez le directeur, faute de meilleure option.


[Suite: Bureau du directeur.]